Bien que la mer lui fut favorable

Le neuvième Vendée Globe a démarré le 8 novembre 2020. Alors qu’un temps record de moins de 70 jours semble aujourd’hui possible, il y a 50 ans, il s’agissait avant tout d’arriver au but. En 1968, lors du célèbre Golden Globe Race, neuf navigateurs en solitaire ont tenté de battre un record: qui serait le premier à faire le tour du monde sans escale? Un seul y est parvenu. Un autre a perdu la raison.

Le bateau a été retrouvé au milieu de l’océan Atlantique. Il ­aurait pu encore dériver pendant des semaines, voire des mois, sans être découvert. Le 10 juillet 1969, le hasard a toutefois voulu que l’équipage d’un cargo postal britannique aperçoive le bateau tanguer sans but au milieu des vagues et, suspicieux, coupe ses moteurs à 1800 milles marins des côtes anglaises. Une petite voile était hissée à la poupe, les autres soigneusement attachées ensemble. Où était l’équipage?
Il s’est avéré qu’il s’agissait du trimaran d’un homme ­d’affaires anglais qui avait participé au Golden Globe Race. Tout ce que les marins savaient sur lui, ils l’avaient appris par une ­coupure de journal: en octobre de l’année précédente, Donald Crowhurst était le dernier des neuf participants à avoir pris le départ de la course sans ­escale autour du monde, il avait gagné beaucoup de ­terrain dans l’Atlantique Sud et était alors considéré comme un candidat potentiel pour le prix de 5000 livres décerné au vainqueur. Une petite fortune, qui devait être attribuée au navigateur qui accomplirait le tour du monde le plus rapide.
Mais que s’était-il passé pour que le bateau à trois coques de Crowhurst flotte désormais sans équipage sur l’océan? ­Aucun dégât n’était pourtant apparent. Il y avait encore de la nourriture et de l’eau potable en quantité suffisante. Dans la cabine, des composants électroniques étaient posés dans le désordre, comme s’ils résultaient d’une réparation inachevée, et l’évier était rempli de vaisselle. Dans les journaux de bord soigneusement tenus se trouvait une dernière entrée qui remontait à 16 jours. Tous ces éléments ont paru extrêmement étranges au capitaine du cargo.
Dans les jours qui ont suivi, alors que des recherches pour retrouver le navigateur disparu avaient été lancées avant d’être interrompues faute de succès, le capitaine a eu suffisamment de temps pour consulter les relevés de Crowhurst. Ceux-ci n’avaient pas beaucoup de sens. La navigation était précise, peut-être même un peu trop minutieuse pour un navigateur qui se trouvait complètement seul et devait souffrir d’un manque de sommeil.